Resocialisation Rocco/Rosalie/Mireille (effectuée par Basma Malik)
Contexte et objectifs
Nous avons mis en contact Rocco, un mâle rhésus (Macaca mulatta) avec une paire interspécifique de femelles : Rosalie est une femelle macaque rhésus et Mireille une femelle babouin hamadryas (Papio hamadryas). Après avoir constitué avec succès la paire Yéti/Dixie, et donc privé Rocco de partenaire, il était nécessaire de le placer avec d’autres individus afin d’éviter tout mal-être lié à l’isolement social.
Nous avons d’abord déplacé Rocco en quarantaine dans une volière adjacente à celle de Rosalie et Mireille. La paroi de la volière extérieure faite de grillage permettait un bon contact visuel ainsi qu’un contact physique sécurisé. La première étape consistait à une mise en contact protégée par la grille de la loge extérieure, pendant 2 heures la première journée, seulement Rocco et Rosalie, 2 heures le jour suivant avec Rocco et Mireille puis 2 heures tous les 3 à la grille et enfin une mise en contact physique durant 4 heures tous ensemble. Pour limiter les risques, chaque passage à l’étape suivante dépendait des comportements exprimés par les individus à l’étape précédente.
Durant les 2 première heures d’exposition, Rosalie a montré un certain intérêt pour Rocco : lui adressant plusieurs regards, et s’asseyait près de la paroi. Rocco lui, a plus prêté attention au groupe de mâles macaques de Java récemment mis en contact qu’à Rosalie, car les mâles exprimaient des comportements agressifs envers Rocco. Cependant la fréquence de regards adressés à Rosalie était élevée, mais celle-ci semblait agitée sur la fin de l’observation, et a exprimé des menaces envers Rocco ainsi qu’une fuite.
Le jour suivant, Mireille a montré un très fort intérêt envers Rocco, autant visuellement qu’acoustiquement (en vocalisant). Elle a également effectué plusieurs invitations à la monte en présentant son arrière-train. Rocco était bien plus attentif à Mireille en comparaison de Rosalie, et la regardait beaucoup. Il l’a même touchée à travers la grille à trois reprises. Avant de tenter l’étape suivante, nous avons décidé de réitérer ces étapes de mise en contact pour voir si les comportements seraient plus encourageants que la première exposition, notamment pour Rosalie et Rocco.
La deuxième exposition de 2 heures entre Rosalie et Rocco fut plus positive : de nombreux regards mutuels, ainsi qu’une présentation de l’arrière-train de Rosalie et un lipsmack (mimique signalant des intentions positives). Cependant, Rocco s’étant un peu trop approché de la paroi, cette dernière l’a menacé (menace bouche ouverte) et Rocco l’a chargée. Mireille, quant à elle, a de nouveau montré un fort intérêt envers Rocco, et a encore fait une présentation de l’arrière-train. Rocco de son côté l’a beaucoup regardé. Cependant, après avoir tenté de toucher Mireille à deux reprises, cette dernière a pris peur et a exprimé des comportements agressifs (« headbob », mimique bouche ouverte et vocalisations).
Globalement, les comportements des trois individus étaient plus encourageants que lors de la
première exposition, malgré les petites tensions. Nous avons donc procédé à une mise en contact
protégé de 2 heures (toujours avec la grille) le lendemain entre les 3 individus. Rocco a montré un
fort intérêt envers les deux femelles, et a touché Mireille à plusieurs reprises. Mireille quant à elle a
beaucoup regardé Rocco, recherchait son attention et lui a fait des présentations de l’arrière-train.
Rosalie s’est montrée plus intéressée que les fois précédentes : elle a fait de nombreuses
présentations de l’arrière-train mais a tout de même effectué quelques menaces bouche ouverte en
direction de Rocco.
Le jour suivant, nous avons tenté la mise en contact physique des 3 individus durant toute la journée. A notre grande surprise, Rosalie a fait de nombreuses présentations de l’arrière-train à Rocco, qui ont provoqué plusieurs montes, mais celui-ci l’a agressée à d’autres occasions. Rosalie s’est donc éloignée et est restée dans un coin de la volière. Logiquement, c’est Mireille qui a porté le plus grand intérêt à Rocco. Après plusieurs regards mutuels, Mireille a très rapidement fait une invitation à la monte mais a surtout toiletté Rocco jusqu’à la fin de l’observation. Rocco a à son tour toiletté Mireille et les deux sont restés en contact étroit toute la journée. Nous les avons de nouveau séparés pendant la nuit, puis réunis le lendemain et les interactions ont par la suite été plus distribuées entre les trois partenaires même si Rocco et Mireille étaient plus liés que Rocco et Rosalie.
Cette resocialisation était donc réussie mais quelques semaines plus tard, un évènement est sans doute survenu (nous n’avons jamais su lequel) et Rocco a blessé Rosalie et a été séparé des femelles. Nous devons donc à présent repenser les appariements entre les pensionnaires de la Tanière afin d’aboutir à des relations positives et stables.
Resocialisation d’un mâle et d’une femelle macaque Rhésus (effectuée par Basma Malik)
Contexte et objectifs
Nous avons resocialisé un mâle macaque Rhésus (macaca mulatta), Yéti (qui vivait auparavant avec un autre mâle Rhésus, Rocco) avec Dixie, une femelle Rhésus, qui vivait seule depuis son arrivée en quarantaine. Malgré une mise en contact réussie entre Yéti et Rocco en Mai 2019, les deux mâles interagissaient très peu. Pour leur bien-être, il était donc nécessaire de remanier la paire et de procéder à d’autres appariements.
Nous avons d’abord placé Dixie dans une volière adjacente à celle de Yéti. La paroi de la volière était opaque mais comportait quelques espaces de plexiglas offrant un contact visuel. Cette première étape permettait de s’assurer de la présence de comportements d’intérêt chez les deux individus. Dixie et Yéti passaient une grande partie de leur temps assis sur la tablette collée à la paroi, et se regardaient respectivement.
Nous avons donc mis en place un protocole de resocialisation pour constituer la paire. Pour cela, Rocco a été transféré en quarantaine afin de ne pas perturber les interactions. La première étape consistait à une mise en contact protégé via une grille dans les loges intérieures, pendant 2 heures la première journée, puis 4 heures et enfin durant une journée entière. Pour limiter les risques, chaque passage à l’étape suivante dépendait des comportements exprimés par les deux individus à l’étape précédente.
Durant les 2 premières heures d’exposition, Dixie a montré un vif intérêt pour Yéti : plusieurs présentations de toilettage, des vocalisations, et s’asseyait collée à la paroi. Yéti regardait beaucoup la paroi, mais restait en retrait et s’approchait de la paroi uniquement lorsque Dixie n’y était pas collée. Nous avons décidé de tenter l’étape suivante avec une présentation de 4 heures. Dixie a fait de nombreuses présentations de toilettage contre la paroi, ainsi qu’une présentation anogénitale. Les comportements exprimés par Yéti étaient plus positifs. Il a présenté un fort intérêt à la paroi (beaucoup de regards) et lorsqu’il se retrouvait en face de Dixie, plusieurs claquements de lèvres (lipsmacking) ont été relevés avant qu’il ne s’éloigne de la paroi, puis il continuait de regarder Dixie depuis le fond de sa loge. Lorsque la trappe s’est refermée à la fin de l’observation, il cherchait même à la rouvrir !
Les comportements étant plus encourageants que lors de la première exposition, le lendemain nous avons donc procédé à une mise en contact (toujours avec la grille) mais d’une journée entière. Cette fois-ci les animaux avaient également accès à leur loge extérieure. Cette dernière étape de la phase 1 fut concluante : Yéti et Dixie ont tous les deux montré un intérêt mutuel, ont échangé beaucoup de regards, et étaient physiquement proches (collés au plexiglas de la volière extérieure).
Il était donc temps de les réunir par une mise en contact physique ! Le jour J, il y a eu énormément de regard de la part de Yéti, et plusieurs claquements de lèvres et mimiques d’apaisement. Dixie, quant à elle, semblait calme, des comportements de fourragement et des déplacements ont été relevés, ainsi que de nombreux regard envers Yéti. Cependant, aucune monte n’a été observée.
Les jours suivants, il y a eu plusieurs montes de Yéti sur Dixie, avec ou sans présentation anogénitale de Dixie au préalable et les deux restaient en contact visuel fréquent !
Deux mois après cette mise en contact, Dixie toilette Yéti qui a même tenté la réciproque, il y a beaucoup de montes et du repos en contact.
Étude des relations affiliatives et de la hiérarchie de dominance au sein d’un troupeau de 27 étalons et hongres (effectuée par Laura Piejos)
Contexte et objectifs
Cette étude a été réalisée au zoo refuge La Tanière en février 2021 sur un groupe de 27 étalons et hongres issus d’un troupeau d’une centaine de chevaux comprenant juments et poulains, qui étaient laissés à l’abandon dans un pré boueux sans soins et malnutris. La but de la mission était de fournir des recommandations respectant les préférences sociales de ces chevaux pour leur futur placement.
Une période de pré-observation de 3 jours a permis la reconnaissance des chevaux et la réalisation d’un trombinoscope. Ensuite, des observations comportementales ont été effectuées du 1er au 26 février 2021, de 9h30 à 17h, à l’aide de jumelles facilitant une vision d’ensemble et précise du troupeau. Trois individus ont été ajoutés au troupeau de 27 individus au cours de la mission, il a donc été décidé de considérer les deux périodes d’observation séparément (période 1 : 27 chevaux, 13 jours d’observation ; période 2 : 30 chevaux, 5 jours d’observation).
Les comportements observés ont été séparés selon leur nature affiliative ou agonistique. Les comportements affiliatifs représentent les affinités entre individus. Les comportements relevés étaient le flairage, l’approche/suivi, mordillements, le toilettage, le jeu, les frottements, les contacts tête-corps ou encore tête posée sur le dos ou la croupe). Les proximités étaient également relevées (pendant le pâturage et le repos). Les comportements agonistiques relevés étaient : le snapping (claquement des dents), les menaces (de tête, ruade, morsures), et les atteintes physiques (ruade, coup de pied des antérieurs, cabrage, morsure, charge et poursuite).
Ces comportements affiliatifs ont ensuite été analysés afin de déterminer l’appartenance des individus à un sous-groupe (ou ‘cluster’, désigné par une couleur). Des sociogrammes permettant de visualiser les liens entre les individus ont ensuite été réalisés à partir des comportements affiliatifs et agonistiques. Sur un sociogramme, la taille des nœuds représente l’importance d’un individu au sein du groupe, l’épaisseur des flèches sur le réseau permet de visualiser l’importance des comportements observés entre les nœuds, et la direction des flèches entre les nœuds illustre la réciprocité des comportements affiliatifs et agonistiques entre les individus.
La stabilité générale du troupeau observée durant l’étude peut être expliquée par la linéarité de la hiérarchie de dominance, déterminée par l’analyse des comportements agonistiques. Les individus les plus dominants du troupeau sont : Reclasse, Garou, Larelle, Nascotte, Sereyne, Van Gogh, Jolireine et Relreyne.
La tendance des chevaux à former 3 sous-groupes durant la première période de l’étude se confirme statistiquement lors de la seconde période. Ces sous-groupes sont caractérisés par l’échange de multiples comportements affiliatifs avec contact, donc de forte intensité. Lors de la première période d’observation, une tendance à entrer en conflit a été observée entre certains chevaux, principalement pendant les périodes de nourrissage. L’analyse des conflits n’a pas été réalisée pour la seconde période car trop courte (5 jours).
Sous-groupe 1 | Sous-groupe 2 | Sous-groupe 3 |
---|---|---|
Nereyne | Relreyne | Sascotte |
Van Gogh | Larelle | Telebresse |
Sereyne | Helium | Rebreyne |
Nascotte | Garrett | Sabalyke |
Reclasse | Guedelon | Jeborale |
Meery | Leery | Synnbelle |
Jolireine | Iva loin | |
Ryynbelle | ||
Selya | ||
Hartus | ||
Peclasse | ||
Peddy | ||
Garou | ||
Croissant delune | ||
Tolynnbelle |
Le premier sous-groupe est formé par deux trios ayant des liens très forts entre eux : Nereyne, Van Gogh et Sereyne, et Nascotte, Jolireine et Reclasse. Lors de la seconde période, des comportements affiliatifs de forte intensité ont été observés entre Meery, originaire du troupeau mais ajouté au cours de l’étude, et les membres du sous-groupe 1. Nous avons donc recommandé que ce sous-groupe soit maintenu tel quel dans le futur.
Relreyne, Larelle et Helium ont montré de fortes affinités sociales entre eux et échangent des comportements affiliatifs de forte intensité avec Garrett, Guedelon et Leery, formant ainsi le sous-groupe 2. Toutefois, des tensions ont été observées entre Larelle et Garrett et entre Tolynnbelle (du sous-groupe 3) et Leery, et nous avons donc préconisé la formation d’une dyade Garrett/Leery pour leur placement futur.
Au sein du troisième sous-groupe, des échanges de comportements affiliatifs de forte intensité ont été relevés entre Jeborale, Ryyneblle, Synnbelle, Tolynnbelle et Iva loin ; entre Garou, Croissant de lune et Selya ; et entre Sabalyke, Rebreyne, Hartus, Telebresse et Sascotte. Peclasse semble partager des comportements affiliatifs forts avec Hartus tandis que Peddy semble n’être lié à aucun individu en particulier.
Des tensions ont également été observées entre certaines dyades : Sabalyke et Rebreyne, de Jeborale envers Synnbelle et Selya, Ryynbelle et Selya. Les relations les plus problématiques sont survenues entre Garou et Peddy, Sascotte et Telebresse.
C’est avec l’individu Croissant de lune que Garou semble le plus affilié et avec lequel nous n’avons observé aucune interaction agonistique. C’est pourquoi nous avons suggéré de former une dyade Garou / Croissant de lune et d’y ajouter éventuellement Selya.
Ces résultats ont donc permis de recommander la répartition en 6 sous-groupes pour les futures adoptions afin de tenir compte des préférences d’affinités fortes et de la tolérance entre les différents chevaux.
Sous-groupe 1 | Nereyne, Van Gogh, Sereyne, Nascotte, Reclasse, Meery, Jolireine |
Sous-groupe 2 | Relreyne, Larelle, Helium, Guedelon |
Sous-groupe 3 | Garrett, Leery |
Sous-groupe 4 | Jeborale, Synnbelle, Iva loin, Ryynbelle, Peddy, Tolynnbelle |
Sous-groupe 5 | Sascotte, Telebresse, Rebreyne, Sabalyke, Hartus, Peclasse |
Sous-groupe 6 | Garou, Croissant de lune, Selya |
Réunion de jeunes mâles macaques de Java (effectuée par Léo Perrin)
Contexte et objectifs
Nous avons resocialisé un groupe de macaques de java (Macaca fascicularis) sortis de laboratoire. En Novembre, sept individus mâles ont été accueillis au refuge et répartis en trois paires/trios : Rafiki/Charmant, Khéops/Henry et Amir/Kali/Eric. Après la mort de Charmant, nous avons choisi de mettre rapidement en contact Rafiki avec un des groupes, afin de lui éviter de rester trop longtemps en isolement social.
Il a été décidé d’intégrer Rafiki au trio Amir/Kali/Eric afin de constituer un groupe de quatre, car ceux-ci étaient plus jeunes que Rafiki (1 à 2 ans de moins que Rafiki), ce qui augmente les chances d’intégration (car les relations de dominance peuvent s’établir plus facilement). Après les premières mises en contact protégées (accès à leurs volières respectives, les individus sont ainsi séparés par une grille), il est apparu clairement que Rafiki serait facilement intégré au trio du fait de sa taille, son âge, et des signes de soumission de la part des individus du trio envers lui. Après discussion avec l’équipe animalière de la Tanière, nous avons donc réalisé la mise en contact direct de Rafiki avec les membres du trio, pendant 2 heures deux à deux, et en commençant par le membre dominant du trio initial (Amir). Les mises en contact deux à deux et celle de Rafiki avec le trio au complet se sont parfaitement déroulées, sans agression et avec beaucoup de comportement affiliatifs (lipsmacking, monte sociale, jeu…). Le groupe s’est rapidement stabilisé et Rafiki est devenu comme prévu l’individu dominant du groupe. Depuis, tous les membres du groupe s’épanouissent dans leur nouvel environnement social et passent beaucoup de temps à jouer ensemble.
Le mois suivant, nous avons souhaité intégrer la paire restante (Khéops/Henry) au groupe de quatre. Pour ce faire, un autre protocole a été mis en place, à la fois par souci d’organisation, mais aussi pour permettre au couple d’être stimulé socialement, car Khéops et Henry passaient beaucoup de temps à faire des comportements stéréotypés (mouvements de tête stéréotypés, prise excessive d’eau, succion du pouce). Ces comportements anormaux ne sont pas forcément la conséquence d’un environnement immédiat car une fois installés, ces comportements ont du mal à disparaitre. En revanche, une stimulation sociale plus importante avec de nombreux partenaires peut diminuer la fréquence de telles stéréotypies. Les deux groupes ont été laissés en contact protégé (de part et d’autre de leurs volières respectives) pendant 2 semaines toute la journée afin de pouvoir interagir et se familiariser les uns avec les autres. Lors de ces mises en contact protégé, nous avons pu observer beaucoup de jeu à la grille, avec quelques tensions, mais sans aucun incident qui remettrait en question la constitution du groupe de six. La mise en contact direct des six individus s’est plutôt bien passée, même si quelques tensions entre les quatre individus du groupe initial (Rafiki/Amir/Kali/Eric) et le dominant du couple (Khéops, qui a été mordu sans gravité) ont été observées. C’est tout à fait normal, les animaux ont besoin de temps pour se mettre d’accord. Après une demi-heure les seules tensions encore observées étaient entre les deux individus subordonnés du groupe de 4 (Kali et Eric) et Khéops, ce dernier répondant aux agressions (charge/empoignement) par des mimiques de soumission. A la fin de l’observation, et dans les jours qui ont suivi, tous les membres du groupe jouaient ensemble sans trop de tension. Il faudra attendre que le groupe soit bien stabilisé pour observer la formation d’affinités particulières entre les individus.
Le succès de la constitution du premier groupe montre une nouvelle fois la nécessité d’effectuer des mises en contacts progressives lors de constitution de groupes de macaques, et de l’importance d’une approche éthologique dans une structure telle que le zoo-refuge La Tanière.
zoo-refuge la Tanière
Date
Novembre/Décembre 2020 et Janvier 2021
Espèce
Macaques de Java (Macaca fascicularis)
Constitution d’un groupe de macaques de Java
Contexte et objectifs
Nous avons resocialisé un groupe de six macaques de Java composé de quatre jeunes femelles : Jasmine, Fiona, Arielle et Bella (qui vivaient déjà ensemble) et de deux mâles plus âgés : Yonne & Toulouse (qui vivaient ensemble depuis plusieurs années). Après leur passage en quarantaine, les quatre femelles ont eu accès a une grande volière durant une journée afin qu’elles s’habituent à leur nouvel environnement.
Le lendemain, nous avons procédé à la mise en contact sécurisée, en installant une petite volière à l’intérieur de la grande volière (photo 1). Les mâles avaient ainsi accès à l’extérieur tandis que les femelles pouvaient évoluer dans la grande volière. Yonne et Toulouse sont allés dans la petite volière et les quatre femelles se sont approchées d’eux. Elles ont toutes très rapidement réalisé des invitations au toilettage et à la monte. Puis Yonne a commencé à menacer ; Fiona et Jasmine ont pris peur et se sont éloignées. Au cours de la journée, Yonne s’est désintéressé des femelles alors que Toulouse effectuait les premiers contacts physiques avec Bella. Cette situation perdura durant plusieurs jours, puis Yonne commença à interagir avec les femelles ; d’abord Bella, puis Arielle, puis Jasmine et enfin Fiona.
C’est alors que la mise en contact physique fut décidée avec dans une première phase, une mise en contact avec le mâle dominant seulement (Yonne), puis dans un second temps, le mâle subordonné (Toulouse). En effet, nous voulions éviter des redirections d’agression de Yonne sur Toulouse dans un moment qui pouvait causer de la tension. Yonne ne tarda pas à entrer dans la grande volière et à monter les femelles puis à explorer son nouvel environnement suivi de près par les femelles. Une heure plus tard nous avons fait entrer Toulouse et Yonne empêcha Toulouse d’interagir avec les femelles pendant plusieurs heures. Plusieurs conflits éclatèrent au cours des journées suivantes entre les deux mâles, engendrant quelques blessures superficielles. Mais avec le temps, Yonne laissa Toulouse interagir avec les femelles sous sa surveillance. Actuellement tout se passe bien dans le groupe !
Resocialisation de macaques (Jackie & Dexter)
Contexte et objectifs
Nous avons resocialisé un mâle adulte macaque de Java, Dexter, qui avait vécu isolé durant plusieurs années, avec une jeune femelle macaque Rhésus, Jackie, qui sortait d’une vie en groupe social au laboratoire. Cette resocialisation faisait suite à une tentative échouée de resocialisation de Dexter avec une paire de mâles de la même espèce que lui. Puisque Jackie et Dexter étaient tous deux en demande d’interactions sociales et qu’aucun individu isolé de chacune des espèces n’était disponible, nous avons décidé de former ce couple interspécifique. Bien évidemment, tout risque de reproduction a été écarté en amont.
Lors de la phase de contact visuel (voir le détail du protocole dans l’exemple de Yéti et Rocco), Jackie sautait partout (elle se comportait ainsi depuis son arrivée au refuge) mais se rapprochait de Dexter qui exprimait des comportements affiliatifs (c’est-à-dire positifs) vers elle. Quand nous avons ouvert la trappe entre les deux loges intérieures (qui permettait le contact protégé à travers une grille), Jackie s’est très vite intéressée à Dexter qui interagissait positivement avec elle. Nous les avons mis ensemble le 30 octobre. Dexter est entré immédiatement dans la volière de Jackie qui l’a évité plusieurs fois puis est descendue près de lui. Il y a de nombreuses montes, des vocalisations (coo, grunts) et des mimiques d’apaisement (claquements de lèvres et des dents). Puis, Jackie a systématiquement suivi Dexter dès qu’il se déplaçait. Ils ont consommé des légumes à moins de 3 mètres l’un de l’autre sans aucun souci de compétition. Il y a eu plusieurs présentations de toilettage de Dexter vers Jackie mais sans suite. Puis, 1 heure après la mise en contact, Dexter a toiletté très délicatement le bas du dos de Jackie, puis c’est Jackie qui a toiletté Dexter toiletter pendant 30 minutes. Ils sont restés très proches toute la journée (photo). Depuis, tout se passe très bien comme sur la vidéo où l’on voit Jackie toiletter Dexter !
Resocialisation de macaques rhésus (Yéti & Rocco)
Contexte et objectifs
Yéti et Rocco sont deux mâles macaque rhésus (Macaca mulatta) issus de laboratoire qui ont été accueillis au zoo-refuge la Tanière début 2019. Yéti a vécu de manière isolé, mais Rocco vivait en groupe social. Nous avons mis en place un protocole de resocialisation pour constituer une paire afin qu’ils puissent bénéficier d’une retraite qui garantit leur bien-être social.
Une première phase permet un contact visuel entre les deux macaques au travers d’une paroi en plexiglas (voir photo 1). Le passage à une mise en contact physique sécurisée a été décidée car des comportements d’intérêt et positifs et l’expression de comportements de soumission ont été exprimés au cours de cette première phase (photo 2). Dans la seconde phase, les interactions étaient très claires avec des comportements de soumission exprimés par Yéti envers Rocco et des manifestations de dominance de la part de Rocco. Nous avons donc décidé de les mettre en contact physique. Le jour J, la dominance s’est inversée immédiatement. En effet, Yéti est beaucoup plus gros que Rocco et ce dernier, en étant confronté directement à Yéti et non plus derrière une paroi grillagée, a émis des mimiques de soumission afin de signaler à Yéti qu’il acceptait sa position de subordonné. Enfin, la première demi-heure est souvent décisive et cela s’est confirmé : après une monte sociale de Rocco sur Yéti un peu trop insistante, Yéti s’est retourné et a agressé Rocco. Rocco a été blessé à la cuisse et s’est foulé le poignet. C’est l’unique conflit que nous avons observé et la question de la relation entre les deux macaques a été définitivement réglée. Depuis, tout se passe bien. Rocco a été très vigilant les premières semaines et a montré des comportements de stress. Mais dorénavant, la paire est souvent en contact et tout à fait fonctionnelle (photo 3).
Cette resocialisation a fait l’objet du stage de Master 1 d’éthologie de l’Université Paris 13 de Lou Renaux et les résultats ont été présentés au colloque annuel de la Société Francophone De Primatologie en octobre 2019 par Amélie Romain du cabinet Akongo (voir poster).
Resocialisation de mâles entiers: formation et suivi d’un groupe d’étalons
Contexte et objectifs
En conditions naturelles, les chevaux entiers vivent le plus souvent en groupe et sont ainsi capables d’établir de liens entre eux et de coexister (soit au sein de groupes familiaux, soit au sein de groupes de mâles célibataires). Paradoxalement, en conditions domestiques, les mâles entiers sont généralement élevés en isolement social et constituent ainsi un exemple de désocialisation extrême. La raison principale de cet isolement est le taux important d’agressions qui survient lorsque les étalons se rencontrent pour la première fois. Ces étalons ont un besoin social fondamental qui n’est généralement pas pris en compte. Dans ce travail, notre objectif était d’étudier une mise en groupe progressive de six étalons de la Jumenterie du Haras National du Pin vivant en isolement social depuis des années. Le principe de cette méthode était de familiariser tous les individus les uns avec les autres en situations sécurisées (i.e. expositions physiquement limitées), puis de faciliter la mise en place d’une relation sociale en renforçant les trois paires les plus affines avant de regrouper tous les étalons ensemble. Ce renforcement a été réalisé à l’aide d’un « box social ». Il s’agit d’une paroi ouverte entre deux boxes permettant aux chevaux d’être en contact physique tout en ayant la possibilité de se soustraire à l’interaction. Ce dispositif tend à vérifier que les animaux sont capables d’interpréter le comportement social d’un congénère et d’y répondre. Il s’est révélé être un outil déterminant pour détecter les signes annonciateurs d’un échec au processus de resocialisation et limiter ainsi les risques.
Resocialisation de gorilles
Contexte et objectifs
- Un mâle gorille dos argenté (COLA) était seul dans son enclos depuis le décès de la femelle avec qui il se trouvait, plusieurs mois auparavant.
- 2 femelles adultes (TANI et CAROLINE) vivent ensemble seules dans leur enclos (adjacent à celui de Cola) depuis la mort du mâle dos argenté qui était avec elles (DJOUTOU, 1 mois auparavant).
Mise en oeuvre
- Préparation de l’introduction (semaines précédentes) : habituation des animaux (contacts visuels, puis possibilité d’interactions à travers une grille), habituation de l’équipe (renforcement positif avec les soigneurs et les vétérinaires qui étaient impliqués dans le processus. La présence des vétérinaires constituait une source de stress).
- Avant l’introduction : préparation des enclos, ajout d’enrichissements, plans d’intervention en cas de blessures.
- Introduction : filmée par deux caméras, pas de blessures notables (une morsure bénigne de la femelle Caroline par Cola). Aucune intervention de l’équipe soigneurs / vétérinaires.
- Suivi de l’introduction : suivi journalier filmé par une caméra. Augmentation progressive de la durée de mise en contact jusqu’à mise en contact permanente.
Centre de Primatologie du CIRMF (Gabon)
Date
2012
Espèce
Gorilles des Plaines (Gorilla gorilla)
Resocialisation d’un étalon au sein d’un groupe de juments
Contexte et objectifs
Malgré de nombreux arguments en faveur de la gestion des chevaux en troupeau, la pratique commune consiste encore à totalement séparer les étalons de leurs congénères. Cet isolement très strict est à l’origine d’une agressivité anormale, de comportements stéréotypiques, d’automutilation voire d’une diminution du succès reproducteur. Or, plusieurs études ont montré que les étalons pouvaient parfaitement cohabiter ensemble ou avec des juments sans qu’aucune blessure majeure ne soit observée. Dans notre étude, il s’agissait d’introduire un étalon isolé depuis 12 ans au sein d’un groupe de 7 juments dont l’ancien étalon avait été retiré.
Description
Une période d’observation avant l’introduction de l’étalon nous a permis de déterminer un certain nombre de différences interindividuelles dont le rang hiérarchique de dominance, les préférences sociales, la centralité et le tempérament. Ces paramètres individuels ont permis l’établissement d’un ordre optimal de mises en contact successives des juments avec l’étalon. Pendant tout le processus d’introduction de l’étalon et jusqu’à un mois après, un ensemble de données comportementales a été relevé afin de caractériser la resocialisation et l’intégration de l’étalon. Nous avons pu mettre en évidence que parmi les paramètres individuels pris en compte, le tempérament des membres du groupe initial ainsi que de l’individu à introduire, joue un rôle particulièrement important dans le processus de resocialisation. Elle a également démontré qu’il est tout à fait possible de resocialiser un étalon isolé depuis plusieurs années sans qu’aucune blessure majeure ne soit constatée. Plus largement, cette étude apporte de nouvelles perspectives pour la gestion des groupes d’animaux et notamment l’introduction de nouveaux individus au sein de groupe établi, qu’il s’agisse d’espèce domestiquée ou sauvage captive.