Le bien-être des chats et des chiens.

En Février dernier, L’association pour la formation en psychologie appliquée et gérontologie (AFPAG) proposait une formation d’initiation à la psychologie animale, dispensée par le professeur Bertrand Deputte. Éthosph’R se saisit de cette opportunité pour vous rapporter le contenu de cette formation et ses implications pour le bien-être des chiens et chats.

Quelques notions d’Ethologie.

La formation a débuté par une introduction à l’éthologie, qui est l’étude scientifique du comportement animal (à différencier de l’équitation éthologique). Comme toute science, l’étude du comportement animal requiert une méthode rigoureuse pour répondre à une question ou valider une hypothèse. Pour cela, il faut établir un protocole expérimental dans lequel sont décrits les comportements d’intérêt (selon l’hypothèse de départ), les temps et méthodes d’observation, et la manière d’analyser les données recueillies. Les connaissances scientifiques sont basées sur des mesures collectées sur plusieurs animaux, ce qui permet
d’estimer les chances que ces résultats puissent être observés à plus grande échelle. Cela s’oppose au savoir empirique, qui s’appuie sur l’expérience (le vécu), l’observation et non sur la théorie. Mais le savoir empirique inspire les études scientifiques, qui le renforcent ou le réfutent en retour. Aujourd’hui, un des enjeux du bien-être animal est que les connaissances du comportement des animaux de compagnie, et en particuliers des chiens et chats, repose majoritairement sur
des savoirs empiriques sans sources (donc impossibles à vérifier sans mener une étude scientifique).

Le Chien

Le chien est la plus ancienne espèce domestiquée par l’humain, bien qu’il ne soit pas clair aujourd’hui comment cette domestication s’est faite. Du fait de  l’ancienneté de cette domestication et d’une sélection artificielle intense, le comportement du chien, et en particulier son organisation sociale, est différent de celui des canidés non domestiqués (loup,chacal…). Il est donc difficile de comparer le comportement des chiens avec celui des loups, d’autant plus que celui-ci est aussi méconnu car basé sur des observations de groupes captifs formés d’individus non-apparentés. L’organisation sociale du chien est très flexible,
puisqu’ils peuvent vivre en groupe ou isolés, cohabitant avec l’humain ou non (pour plus d’information : http://avarefuge.fr/wp-content/uploads/2017/02/Revue_scientifique_fevrier_2012.pdf).

La relation entre le chien et l’humain n’est pas symétrique, puisqu’elle est utilitaire, dépendante et contrainte. Cette relation sociale inter-espèce est unique, mais elle est difficile à étudier scientifiquement car la structure sociale de l’espèce humaine et canine sont différentes, et il est donc impossible de considérer un chien comme un homme humain et vice-versa. Les capacités cognitives naturelles du chien ont été renforcées par le contact avec l’humain et les apprentissages associés à son utilisation, par l’inhibition ou la surexpression de schémas comportementaux existant naturellement. Nous ne visualisons pas l’importance de la demande intellectuelle que nous exigeons du chien pour qu’il s’adapte à notre vie : discrimination entre les objets  autorisés ou non, rencontres et contacts forcés avec des congénères ou des humains, compréhension de notre propre humeur et de nos propres règles de vie (heures de sorties, tenus en laisse…). L’apprentissage du chien maitrisé par l’humain devrait rendre plus facile son adaptation à un milieu de vie dont il ne  connait rien, et donc l’humain devrait se placer davantage comme un maitre d’apprentissage que comme un maitre propriétaire. Néanmoins, pour éviter de tomber dans l’anthropomorphisme et afin d’assurer son bien-être, il faut garder à l’esprit qu’un chien est un chien, avec son propre univers de perception (Merkwelt), d’action (Wirkwelt) et de ressenti (Umwelt) de son environnement. Par exemple, les problèmes d’agression sont les plus gênants pour les propriétaires. L’agression est un comportement adaptatif qui a pour but de mettre à distance un individu,  contrairement à la prédation dont le but est la consommation, et l’agressivité est la propension à exprimer des comportements d’agression (à vouloir mettre les autres à distance).

L’agression entre individus correspond à une gradation conditionnelle (en fonction du comportement de l’autre) des signaux de mise à distance, dont l’issue est l’attaque si aucun des deux protagonistes n’évite l’escalade dans la gradation. Certains problèmes d’agression sont souvent dus à une mauvaise communication entre les individus (soit parce qu’ils n’ont pas appris les signaux/comportements, soit parce qu’ils ne peuvent pas les exprimer). Par exemple, la communication visuelle entre les chiens (posture, position de queue et mimiques faciales) peut être influencée par leur apparence physique (queue coupée, oreilles tombantes, yeux cachés, prognathe…). De plus, la traction de la laisse favorise le sentiment de danger chez le chien qui se sent piégé, ce qui peut conduire à une attaque. Une autre mauvaise compréhension du comportement canin est la relation de dominance. La relation sociale entre deux individus (dyade) peut être déterminée par l’observation des distances maintenues entre eux et de leurs interactions sociales, qui peuvent les rapprocher (« positives » : dormir ensemble, se toiletter, jouer…) ou les éloigner (« négatives » : agression). La dominance entre individus est souvent établie lors de conflits pour une ressource dont le vainqueur est qualifié de « dominant ». Néanmoins, une approche plus complète du statut social de l’animal au sein d’un groupe devrait aussi prendre en compte les interactions positives entre les individus. La dominance d’un individu sur l’autre émerge de leur relation sociale et n’est donc pas une caractéristique de personnalité. Toutefois, lesvainqueurs de conflits ont souvent des attributs similaires (grande taille, tempérament déterminé, impulsif ou agressif), ce qui favorise la confusion qu’un individu puisse être de nature « dominante ».

Le chat

Contrairement au chien, le chat serait une espèce apprivoisée plutôt que domestiquée, du fait que la relation entre le chat et l’humain soit écologique (recherche de nourriture, d’abris) et ne subisse pas le contrôle de l’humain. En effet, l’humain ne contrôle pas la reproduction féline (sauf stérilisation) et n’a pas influencé son évolution morphologique et comportementale via la sélection. En effet, l’humain a utilisé les chiens pour différents travaux (garde, guide de troupeaux, sauvetage, traction de traineau…), et les a donc sélectionnés en fonction, alors que le chat n’a été utilisé que pour chasser les rongeurs et être un compagnon, ce qui n’a pas requis de sélection particulière. Ainsi, à la différence des chiens, les chats domestiques (Felis Catus) n’ont donc presque aucune différence physique
entre eux, ou avec leur plus proche parent sauvage (Felis Lybica). Même si le chat est utilisé dans la recherche (sommeil paradoxal, stimulation intracérébrale…), son comportement et ses capacités cognitives ont été très peu étudiés scientifiquement. En particulier, les capacités cognitives du chat sont difficiles à mesurer du fait de la mauvaise coopération des sujets dans les études. De ce fait très peu de leurs comportements sont compris. Par exemple, on a longtemps cru que les chats étaient territoriaux, ce qui implique l’utilisation exclusive et la défense (proclamation acoustique et visuelle, signalisation répulsive et comportement de patrouille) d’un territoire défini. Or, il a récemment été observé (La vie secrète des chats, BBC) que  les chats domestiques semblent partager les mêmes espaces et ne manifestent pas de comportement de défense (pas de patrouille ni d’effet répulsif des marquages) ; on préfère alors parler de ‘domaine vital’. Ainsi, malgré la nature solitaire des félidés (seuls les lions et les guépards sont reconnus comme « sociaux »), certains chats domestiques cohabitent en groupe. Néanmoins, le maintien d’un groupe dépend de l’abondance, la permanence de ressources partageables. Les interactions sociales entre les individus d’un groupe de chats sont toutefois limitées et une distance est respectée entre chacun. De ce fait, il est peu judicieux de prendre un chat pour tenir compagnie à un autre ; et il est préférable de renforcer le comportement de prédation par des jeux, de faciliter l’accès a l’extérieur ou d’élargir le milieu vital (les chats peuvent aussi évoluer en hauteur). Le développement du chat est plus précoce que de celui du chien, en particulier les comportements de jeu cessent au sevrage chez le chaton (malgré la présence de la fratrie) alors qu’ils sont maintenus chez le chien jusqu’à la maturité sexuelle. Quelques rares études ont  renseigné les modes de communication visuelle, acoustique et chimique. Contrairement à ce qui était cru, les chats ne produisent pas de phéromones durant leurs marquages (urinaires, griffures, frottements), qui n’ont pas d’effet répulsif ou attractif et semblent plutôt être des comportements de familiarisation avec l’environnement (en déposant leur odeur).