Comment évaluer le bien-être animal ?

 

La question du bien-être animal suscite de nombreux débats dans la société et dans la communauté scientifique. L’explication pourrait se résumer en un mot : subjectivité. Chaque individu, humain ou animal, perçoit de façon singulière le monde dans lequel il évolue. C’est la théorie de l’umwelt (monde propre) que propose Jakob von Uexküll dès 1910. Quand un humain tente d’évaluer le bien-être d’un animal, deux filtres se superposent : celui de l’humain et celui de l’animal. Il convient alors de repenser chacune de ses conclusions, de se forcer à l’objectivité, afin d’essayer d’être au plus près de ce que l’animal perçoit. Pour cela, les scientifiques appliquent le canon de Morgan, un principe de parcimonie servant de garde-fou. Le but est de chercher l’explication la plus simple et d’éviter l’anthropomorphisme (projection de son monde propre d’humain sur celui de l’animal). Mais alors comment fait-on pour évaluer le bien-être animal aujourd’hui ?

 

Evaluer l’état de santé

Le bien-être animal passe en partie par la bonne santé et l’intégrité physique : ne pas être malade ou blessé, ne pas avoir faim ou soif, avoir un poids approprié, ne pas avoir trop chaud ou trop froid, l’absence de douleur… Cet aspect repose majoritairement sur la réduction de facteurs de mal-être. Des mesures préventives simples peuvent ainsi être mises en place afin de favoriser un bon état de santé, comme des protocoles d’hygiène, de suivi des animaux, l’apport régulier de nourriture adaptée et d’eau fraîche. L’évaluation de l’état de santé peut être réalisée grâce à des indicateurs physiques et physiologiques. Un exemple d’indicateur physique est la note de condition corporelle (body condition score) qui permet d’estimer visuellement si un individu a un poids approprié. La température, les fréquences cardiaque et respiratoire sont parmi les indicateurs physiologiques permettant de suivre l’état de santé d’un animal. Enfin, des indices externes tels que la consistance et la couleur des excréments peuvent compléter ce diagnostic.

 

Evaluer l’environnement

Des conditions appropriées aux besoins physiologiques et comportementaux de l’animal permettent de favoriser son bien-être. Avoir un abri adapté à l’espèce, confortable, suffisamment d’espace pour pouvoir exprimer ses comportements, des congénères avec lesquels interagir… Cet aspect dépend de l’espèce concernée, de ses besoins et de ses capacités. Se référer au comportement de l’espèce (ou d’une espèce proche) dans le milieu naturel permet souvent de mieux  appréhender certains de ces besoins. Par exemple, si dans la nature les individus de cette espèce parcourent de grandes distances, l’espace alloué devrait être suffisamment vaste pour éviter de frustrer ce comportement naturel de locomotion. De la même manière, si l’espèce n’est pas solitaire, alors la taille et la composition des groupes devraient refléter celles adoptées en conditions naturelles. Evaluer la qualité de l’environnement peut se faire en regardant le comportement de l’individu captif. En effet, si l’environnement n’est pas adapté aux besoins de l’animal, celui-ci peut exprimer des comportements anormaux comme par exemple un état léthargique, des stéréotypies (comportements répétitifs, incessants et sans fonction apparente), voire des mutilations.

Evaluer l’état émotionnel

La définition du bien-être animal intègre la notion « d’état mental positif ». Ce point implique à la fois de chercher à réduire les causes de mal-être (absence de douleur, de stress) et favoriser les émotions positives (satisfaction des besoins et des attentes, plaisir). Ce point est certainement le plus complexe à aborder puisqu’il revient à essayer de comprendre l’expérience subjective de l’animal, c’est-à-dire à chercher à déterminer quel est son état émotionnel selon sa perception de ce qui l’entoure. Pour répondre à cette question, des indicateurs physiologiques et comportementaux peuvent être utilisés. Par exemple, lorsqu’un individu a peur alors sa fréquence cardiaque augmente, lorsqu’un animal social est isolé de son groupe alors il vocalise davantage. Plus récemment d’autres méthodes d’évaluation des états émotionnels chez l’animal ont été développées, s’inspirant des connaissances en psychologie humaine. Ces méthodes reposent sur l’influence des émotions sur la cognition (processus mentaux de traitement de l’information). Un individu dans un état émotionnel négatif portera davantage d’attention à des menaces potentielles, jugera plutôt négativement des situations ambigües et se rappellera plutôt des souvenirs négatifs comparativement à un autre individu dans un état émotionnel positif. Etudier la réaction émotionnelle des animaux face à diverses situations permet de mieux comprendre leurs besoins, leurs attentes et donc la manière de favoriser leur bien-être.

 

Le bien-être animal est donc une notion complexe et son évaluation, pour être complète, doit englober des aspects nombreux et divers. Cette évaluation de l’état de santé, de l’environnement et de l’état émotionnel repose sur des indicateurs physiques, physiologiques, comportementaux et cognitifs. D’abord visant à identifier et réduire les causes de mal-être, ces indices permettent également aujourd’hui de promouvoir des expériences et des émotions positives.

 

   Emeline Nogues pour Ethosph’R