Article rédigé par Océane Schmitt, bénévole à Éthosph’R.

Le bien-être animal devient un sujet dont on entend de plus en plus parler, qui s’impose aujourd’hui comme une nécessité car les animaux font partie intégrante de nos vies : dans nos assiettes, dans nos distractions, et dans nos maisons. A toute échelle, il parait évident que des animaux sains et au comportement cohérent sont nécessaires pour que nous, humains, vivions bien aussi.

Mais qu’est-ce que le bien-être animal ?

Le bien-être animal est loin d’être un sujet nouveau. Depuis l’Antiquité des philosophes se questionnent sur la façon dont nous traitons les animaux domestiques (de compagnie ou de ferme). C’est ainsi qu’au fil des siècles les combats d’animaux ont été progressivement interdits, ainsi que les spectacles impliquant la torture des animaux (montreurs d’ours). En 1979, le Farm Animal Welfare Council (FAWC) rend officielles les cinq libertés fondamentales au bien-être animal, issues des travaux de Donald Broom (reprises dans Broom, 1991) :

  1. Ne pas souffrir de la faim ou de la soif – accès à de l’eau fraîche et à une nourriture adéquate assurant la bonne santé et la vigueur des animaux.

  2. Ne pas souffrir d’inconfort – environnement approprié comportant des abris et une aire de repos confortable.

  3. Ne pas souffrir de douleurs, de blessures ou de maladies – prévention ou diagnostic rapide et traitement.

  4. Pouvoir exprimer les comportements naturels propres à l’espèce – espace suffisant, environnement approprié aux besoins des animaux, et contact avec des congénères.

  5. Ne pas éprouver de peur ou de détresse – conditions d’élevage et pratiques n’induisant pas de souffrances psychologiques.

(Extrait du Comité consultatif commun d’éthique pour la recherche agronomique, Avis 7 Sur le bien-être des animaux d’élevage ; INRA et CIRAD)

A ce jour, les scientifiques débattent encore de la définition exacte du bien-être animal. Selon l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), « le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ». La notion de bien-être animal impliquerait donc que les humains sont responsables des animaux qu’ils élèvent (Larrere and Larrere, 1997). Récemment, faire l’expérience d’évènements positifs est devenu un nouveau critère pour assurer le bien-être des animaux en captivité, faisant évoluer la notion de bien-être animal de « une vie sans souffrance » à « une vie de qualité » (Mellor, 2016). Cette avancée est très importante car elle reconnait la capacité des animaux à avoir des états émotionnels, et le devoir de maintenir les animaux dans un état émotionnel positif.

Pourquoi est-il si difficile de s’entendre sur la notion de bien-être animal ?

Il est difficile d’arriver à un consensus sur le bien-être animal du fait que cela dépend de nos propres valeurs morales, culture et environnement (Furnham et al., 2003). David Fraser, un des pionniers de la question du bien-être animal, illustre très bien ce postulat dans son livre « Understanding Animal Welfare » (Fraser, 2008) par l’histoire de deux propriétaires de chiens qui ont des croyances opposées sur le bien-être de leur compagnon et qui se sentent tous les deux désolés pour le chien de l’autre. L’un est persuadé qu’un chien a besoin de cadre (une laisse, des repas mesures donnés à heures fixes, une propreté exemplaire) alors que l’autre considère qu’un chien a besoin de s’exprimer librement (sans laisse, repas variables, propreté autogérée). Tous deux ont à la fois raison et tort, car en fait le bien-être d’un animal dépend d’une multitude de facteurs, dont sa personnalité (Mason and Mendl, 1993). De ce fait, les études scientifiques sur les préférences des animaux en termes de conditions de vie (espace des enclos, type d’alimentation, jouets…) sont parfois non-conclusives car les animaux étudiés présentent des différences inter-individuelles, ce qui rend difficile la généralisation de bonnes pratiques. Prenons un exemple simple : il existe des chats qui ne supportent pas d’être dehors et d’autres qui profiteront de la moindre ouverture de porte pour s’enfuir.

Pourquoi le bien-être animal est-il un sujet sensible ?

Le problème principal associé au bien-être animal est que la critique s’adresse aux détenteurs d’animaux (éleveurs, propriétaires…), qui sont souvent persuadés (de par leur éducation ou expérience) de bien faire et d’assurer une belle vie à leurs animaux. Bien souvent les « maltraitances » sont dues à de l’ignorance, de la mauvaise information ou des croyances anciennes jamais remises en cause. Il est difficile pour un propriétaire d’animaux de compagnie de s’entendre dire que son compagnon n’est pas complètement heureux, ou pour les visiteurs de zoo et spectateurs de cirque qu’ils participent à un système d’exploitation des animaux. Néanmoins il est important de remettre en question ce qu’on nous a inculqué, car chaque jour, de nouvelles preuves scientifiques émergent sur la capacité des animaux à ressentir des émotions et à en pâtir.

Références

Broom, D.M., 1991. Animal welfare: concepts and measurement. Journal of Animal Science 69, 4167–4175.

Fraser, D., 2008. Animal welfare in context, in: Kirkwood, J.K., Hubrecht, R.C. (Eds.), Understanding Animal Welfare. University Federation for Animal Welfare, Oxford, United Kingdom, pp. 1–78.

Furnham, A., Mcmanus, C., Scott, D., 2003. Personality, empathy and attitudes to animal welfare. Anthrozoös 16, 135–146. https://doi.org/10.2752/089279303786992260

Larrere, C., Larrere, R., 1997. le contrat domestique. Courrier de l’Environnement de l’INRA 30, 5–17.

Mason, G., Mendl, M., 1993. Why is there no simple way of measuring animal welfare ? Animal Welfare 2, 301–319.

Mellor, D.J., 2016. Updating animalwelfare thinking: Moving beyond the “five freedoms” towards “A lifeworth living.” Animals 6. https://doi.org/10.3390/ani6030021