Des indicateurs “positifs” du bien-être des souris ou comment mettre en évidence un réel état de bien-être

Nous l’avons vu, pour évaluer l’état de bien-être d’un individu, se contenter de mesures basées sur l’absence d’un mal-être n’est pas suffisant en soi. En d’autres termes, il est impossible d’affirmer qu’un individu est réellement heureux juste parce qu’il n’exprime pas d’émotions négatives comme le stress, la douleur ou la peur. Ainsi, il importe de se soucier des émotions positives pouvant être vécues par l’individu comme la joie, le bonheur ou le plaisir (Boissy et al., 2007 ; Yeates & Main, 2008) et de les évaluer au travers d’indicateurs fiables.

Les expressions faciales peuvent aussi bien indiquer un état émotionnel négatif qu’un état émotionnel positif chez les rongeurs. En effet, des rats “chatouillés” expriment des changements faciaux (Finlayson et al., 2016). Les chatouillements miment un comportement de jeu social reconnu comme induisant un état émotionnel positif chez cette espèce (Burgdorf & Panksepp, 2001). Ainsi, les chercheurs ont constaté des changements de positionnement et de couleurs des oreilles qui pourraient être liés au plaisir vécu par l’animal (Finlayson et al., 2016). Les souris aussi peuvent exprimer facialement des émotions positives comme le plaisir. En effet, après une récompense (sucre) Dolensek et son équipe ont pu observer des changements faciaux au niveau de la bouche et du nez ou encore un redressement des oreilles chez ces individus (Dolensek et al., 2020).

Par ailleurs, le bien-être animal est également défini comme la satisfaction des besoins comportementaux d’un individu, se traduisant par la possibilité d’exprimer les comportements naturels de son espèce (Boissy et al., 2007).

Ainsi, il est important d’observer si les souris expriment leurs comportement naturels comme : construire un nid, creuser le substrat du sol, se toiletter, explorer leur environnement, interagir avec leurs congénères, ronger, etc. N’oublions pas qu’un individu n’exprimant pas tous ses comportements fondamentaux ressent une frustration (cité dans Dawkins, 1990) pouvant mener à l’apparition d’indicateurs de mal-être (par exemple : des stéréotypies ; Mason, 1991).

Un autre indicateur positif, le comportement de jeu, pourrait également être utile dans la compréhension du bien-être animal. Le jeu chez les jeunes individus pourrait à la fois 1) indiquer la présence d’émotions positives et 2) améliorer le bien-être des individus (Ahloy-Dallaire et al., 2018). Néanmoins, aujourd’hui chez les animaux et notamment les souris, le manque d’études et de preuves scientifiques nous laissent uniquement affirmer qu’une réduction du comportement de jeu illustre un mal-être chez l’animal (Turner, 2019).

  • Ahloy-Dallaire, J., Espinosa, J., & Mason, G. (2018). Play and optimal welfare: Does play indicate the presence of positive affective states? Behavioural Processes, 156, 3–15. https://doi.org/10.1016/j.beproc.2017.11.011
  • Boissy, A., Manteuffel, G., Jensen, M. B., Moe, R. O., Spruijt, B., Keeling, L. J., Winckler, C., Forkman, B., Dimitrov, I., Langbein, J., Bakken, M., Veissier, I., & Aubert, A. (2007). Assessment of positive emotions in animals to improve their welfare. Physiology & Behavior, 92(3), 375–397. https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2007.02.003
  • Burgdorf, J., & Panksepp, J. (2001). Tickling induces reward in adolescent rats. Physiology & Behavior, 72(1), 167–173. https://doi.org/10.1016/S0031-9384(00)00411-X
  • Dawkins, M. S. (1990). From an animal’s point of view: Motivation, fitness, and animal welfare. Behavioral and Brain Sciences, 13(1), 1–9. https://doi.org/10.1017/S0140525X00077104
  • Dolensek, N., Gehrlach, D. A., Klein, A. S., & Gogolla, N. (2020). Facial expressions of emotion states and their neuronal correlates in mice. Science, 368(6486), 89–94. https://doi.org/10.1126/science.aaz9468
  • Finlayson, K., Lampe, J. F., Hintze, S., Würbel, H., & Melotti, L. (2016). Facial Indicators of Positive Emotions in Rats. PLOS ONE, 11(11), e0166446. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0166446
  • Mason, G. J. (1991). Stereotypies: a critical review. Animal Behaviour, 41(6), 1015–1037. https://doi.org/10.1016/S0003-3472(05)80640-2
  • Turner, P. V. (2019). Moving Beyond the Absence of Pain and Distress: Focusing on Positive Animal Welfare. ILAR Journal, 60(3), 366–372. https://doi.org/10.1093/ilar/ilaa017
  • Yeates, J. W., & Main, D. C. J. (2008). Assessment of positive welfare: A review. The Veterinary Journal, 175(3), 293–300. https://doi.org/10.1016/j.tvjl.2007.05.009