Les méthodes de dressage aversif rendent les chiens pessimistes

Les humains ont développé de nombreuses méthodes d’éducation, plus ou moins respectueuses du bien-être animal. On peut regrouper ces techniques en deux catégories, celles basées sur la récompense et celles sur l’aversion. Pour plus d’informations sur ces différentes méthodes d’éducation, je vous invite à écouter l’épisode sur la théorie des apprentissages du podcast Véthologie.

Les vétérinaires et les spécialistes du bien-être animal nous alertent depuis de nombreuses années sur les effets délétères des méthodes d’éducation coercitive : induction de comportements indésirables dus à la peur, émotions négatives (stress, anxiété et frustration), comportements agressifs, confusion due à l’incompréhension de ce qui est demandé, apprentissage d’une mauvaise association, blessures physiques, douleurs (Casey et al., 2021).

Deux équipes de recherches (Castro et al., 2020; Casey et al., 2021) ont fait passer un test de biais cognitif, appelé test de biais de jugement, à des chiens. Ce test se base sur le fait que notre état affectif influence notre perception et nos réponses envers des stimuli environnementaux. Ils ont entraîné des chiens à faire la distinction entre le côté gauche et droit d’une arène de test : par exemple, le côté droit contenait une gamelle avec de la nourriture (stimulus positif), le côté gauche une gamelle vide. Ensuite, les chiens ont été testés à plusieurs reprises avec une gamelle placée à un endroit ambigu, c’est-à-dire au milieu de la pièce. Si le chien est optimiste, il percevra la situation de façon plus positive (“la gamelle au milieu semble proche du côté où il y avait de la nourriture, donc il y en a peut-être !”) et s’approchera de l’emplacement ambigu rapidement. S’il hésite et met du temps à aller voir la gamelle, le chien est jugé comme pessimiste, car il ne s’attend pas à ce qu’il y ait de la nourriture à cet endroit (“la gamelle au milieu semble proche du côté où il n’y avait rien”). Les résultats de ces expériences montrent que les chiens dressés à l’aide de méthodes coercitives sont plus pessimistes que ceux entraînés avec des récompenses. Les méthodes de dressage ont donc un impact sur le chien au-delà des sessions d’éducation.

En parallèle, et tout aussi alarmant, des études montrent que les signes subtils de stress tels que : regarder ailleurs, tourner la tête, bailler et se lécher le nez, sont rarement reconnus comme signes de stress par les gardiens de chiens (Mariti et al., 2012). Ce qui suggère que peu sont capables d’intervenir dès les premiers stades de stress et que beaucoup sous-estiment le niveau de stress de leur compagnon. Il semble ainsi important de former les personnes à reconnaître les signes de mal-être et de stress de leurs compagnons.

Pour conclure, en plus des problèmes évidents de mal-être, une éducation coercitive est connue pour entraîner des problèmes comportementaux, qui est l’un des motifs les plus fréquemment cités dans les cas d’abandons et d’euthanasies (Castro et al., 2020). Il semble ainsi important de privilégier les méthodes qui utilisent le renforcement positif (basé sur l’alimentation et/ou les caresses) pour l’éducation de nos compagnons, plutôt que d’utiliser des méthodes appuyant leur efficacité sur la violence et la peur.

Rédaction : Delphine Debieu, vulgarisatrice scientifique sur Instagram sur @ethologuedesdinos.

Relecture et corrections : Rachel Degrande, docteure en éthologie cognitive.

Sources:

  • Casey, R. A., Naj-Oleari, M., Campbell, S., Mendl, M., & Blackwell, E. J. (2021). Dogs are more pessimistic if their owners use two or more aversive training methods. Scientific Reports, 11(1), Art. 1. https://doi.org/10.1038/s41598-021-97743-0
  • Castro, A. C. V. de, Fuchs, D., Morello, G. M., Pastur, S., Sousa, L. de, & Olsson, I. A. S. (2020). Does training method matter? Evidence for the negative impact of aversive-based methods on companion dog welfare. PLOS ONE, 15(12), e0225023. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0225023
  • Mariti, C., Gazzano, A., Moore, J. L., Baragli, P., Chelli, L., & Sighieri, C. (2012). Perception of dogs’ stress by their owners. Journal of Veterinary Behavior, 7(4), 213‑219. https://doi.org/10.1016/j.jveb.2011.09.004