Petit guide des comportements du lapin Oryctolagus cuniculus : comprendre pour mieux aimer

1. Rythme de vie

En milieu naturel, les lapins vivent dans des habitats au sein desquels ils peuvent trouver un abri et donc un moyen de protection contre les prédateurs. Lorsque le sol est meuble, ils creusent des terriers, et lorsque le sol est compact, ils restent dans la végétation dense (Kolb, 1994). Les lapins de garenne européens vivent en groupes sociaux sur un domaine vital d’environ 5 hectares (Cowan, 1994), où les différents groupes peuvent se réunir lorsqu’ils broutent. Chaque groupe défend la partie du territoire qui comporte leur terrier, généralement établi au sein d’un espace herbeux ou boisé, que l’on appelle aussi un « garenne ». (d’où la dénomination « de garenne » du lapin). Les terriers comportent en moyenne 11,5 entrées mais cela peut varier de 1 à 37 entrées (Cowan, 1987).

Les lapins sont plutôt des animaux crépusculaires, ce qui veut dire que leurs pics d’activité (périodes pendant lesquelles ils cherchent de la nourriture) se déroulent à l’aube et au crépuscule. Le comportement crépusculaire du lapin a probablement évolué en réponse à la prédation (Donnelly, 1997). Le comportement de recherche de nourriture s’effectue au sein du domaine vital, dont la taille dépend de facteurs environnementaux tels que la disponibilité de la nourriture ou la taille du groupe, et de facteurs individuels comme l’âge ou le statut au sein du groupe reproducteur (Donnelly, 1997).

En résumé, les lapins passent 44 % de leur temps à manger, 33 % à être inactifs, 13 % à se déplacer et 10 % à se livrer à d’autres activités lorsqu’ils sont en surface (Gibb, 1993). Au cours de l’ensemble de ces activités, les lapins, notamment d’un même groupe social, ont la nécessité de communiquer de nombreuses informations.

2. La communication et les comportements sociaux

Les lapins possèdent des glandes odorantes situées sous le menton, ainsi que dans la région anale, qu’ils utilisent pour marquer leur territoire en les frottant contre différents supports. Ce comportement de marquage permet d’assurer la revendication du territoire et d’indiquer la hiérarchie au sein du groupe social (Arteaga et al., 2008). Ils peuvent aussi utiliser leurs excréments pour effectuer une délimitation de leur territoire ou signaler une zone comme appartenant à leur territoire.

A l’instar des chats, les lapins sont capables d’émettre des formes de ronronnements. En effet, lorsqu’ils sont apaisés, ils claquent rapidement leurs dents. A l’inverse, un grognement accompagné d’un saut en avant traduit l’irritation ou la peur chez le lapin. Enfin, si les lapins grincent des dents c’est pour signifier un sentiment de mal-être voire de douleur (Buseth et Saunders, 2015).

Le lapins d’un même groupe interagissent plus amicalement entre eux qu’avec des lapins non familiers, et ils se couchent souvent en contact étroit avec leurs congénères préférés, notamment lorsqu’ils se reposent (Lehmann, 1991). Au sein du groupe, il existe deux hiérarchies sociales distinctes, l’une entre les mâles et l’autre entre les femelles (Vastrade, 1986 ; Von Holst et al., 1999). Les mâles occupent des territoires qu’ils défendent, tandis que les femelles restent dans une zone donnée qu’elles ne défendent pas contre les autres lapins (Vastrade, 1986). Chez les lapins sauvages européens, le mâle dominant patrouille régulièrement au sein de son territoire et il attaque les mâles et les femelles qui ne se soumettent pas à lui (Lockley, 1961). Il interrompt toutes les rencontres agressives ou sexuelles entre les lapins de son groupe, ce qui peut diminuer le risque de blessures dans le groupe (Vastrade, 1986). Les lapins de rang inférieur dans la hiérarchie, quant à eux, limitent leurs interactions en se retirant à la périphérie de leur domaine vital (Lehmann, 1991).

En cas d’attaque par des prédateurs, les lapins trépignent (frappent des pattes contre la terre à plusieurs reprises) d’une patte arrière, ce qui fait fuir les autres lapins sous terre (Black et Vanderwolf, 1969), et ils peuvent émettre un cri de détresse aigu s’ils se font attraper par un prédateur (Cowan et Bell, 1986). En général, les jeunes lapins sont plus alertes que les adultes et les très jeunes lapins semblent apprendre à reconnaître les prédateurs par leur propre expérience au lieu de complètement copier le comportement des adultes et des frères et sœurs expérimenté.e.s. Ainsi, la consolidation des comportements anti-prédateurs pourraient être le résultat de la maturation des individus, de l’observation des congénères, mais aussi de l’apprentissage provenant des rencontres antérieures avec des prédateurs (Vitale, 1989).

3. Comportement alimentaire

En ce qui concerne le comportement alimentaire du lapin, il se découpe en plusieurs phases au cours de la vie induites par le niveau de développement des nouveaux nés jusqu’à l’âge adulte. Pendant les 2 ou 3 premières semaines de leur vie, ils sont fortement dépendants du lait fourni par la lapine. A l’état sauvage, les petits sont allaités une fois par jour pendant 3 à 5 minutes (Maertens et al., 2006). Le premier contact avec des éléments solides a lieu pendant la première semaine de vie, lorsque le jeune consomme des excréments durs déposés par la mère dans le nid pendant la tétée. Ceci introduit probablement une flore microbienne dans le cæcum (Combes et al., 2014).

Le comportement alimentaire du lapin de garenne est caractérisé par de nombreuses prises alimentaires au cours de la phase active, soit 30 à 40 repas en 24h (Gidenne et al., 2010). Les repas sont strictement composés d’éléments d’origine végétale, principalement de l’herbe et des plantes, mais également des fruits, des racines, des feuilles et des écorces. En termes de préférence, les lapins se nourrissent plus volontiers de poacées et semblent consommer plus d’écorces en hiver, ce qui leur permettrait d’assimiler une quantité suffisante de fibres.

La digestion chez les lapins est unique, car ils possèdent une adaptation anatomo-physiologique de l’intestin avec le développement important du cæcum vers l’extrémité du tube digestif qui induit une fermentation tardive de la nourriture ingérée, et rend donc l’assimilation des nutriments impossible avant la défécation (Björnhag, 1981). Afin de pallier ce problème, un mécanisme complémentaire s’est développé : la cæcotrophie. Les lapins produisent deux types de crottes profondément distinctes en termes de compositions : les cæcotropes, qui sont des boulettes moles constituées de contenu cæcal presque inchangé ; et les boulettes fécales dures, dont la composition est radicalement modifiée au cours de leur passage dans le côlon. Un exemple de ce changement est la différence de teneur en azote entre les fèces jetées (15 mg N/g de matière sèche) et les cæcotropes (45 mg N/g de matière sèche) (Björnhag, 1981). Les cæcotropes sont excrétés selon un rythme circadien qui est à l’opposé de la prise de nourriture et de l’excrétion des fèces dures, et les lapins les prennent dans l’anus et les avalent directement, au lieu de les macher comme les plantes. La cæcotrophie, comme énoncé précédemment, se met en place à l’âge de 2 à 3 semaines, lorsque les lapins commencent à consommer des aliments solides autres que les fèces de la mère. La consommation de cæcotropes augmente jusqu’à l’âge de 2 mois, puis reste constante (Gidenne et al., 2010).

4. Capacités sensorielles

Les lapins possèdent environ 100 millions de cellules réceptrices olfactives au niveau de leur truffe, un organe voméronasal et de grands lobes olfactifs dans le cerveau pour leur permettre d’analyser les signaux chimiques.

Grâce à leurs 17 000 papilles gustatives, les lapins sont également capables de distinguer différents types de goût, et semblent aimer le sucré et le salé, mais pas l’amer et l’acide (Lumpkin et Seidensticker, 2011).

Les lapins ont une bonne vue, et leur champ de vision maximal est de presque 360° (Peiffer et al., 1994) mais ils ne voient pas avec précision pendant les périodes de faible intensité lumineuse et ne peuvent pas faire le point directement devant eux. Les 20 à 25 moustaches situées de chaque côté de la lèvre supérieure aident les lapins à s’orienter dans l’obscurité et à repérer l’endroit mordre la végétation (Lumpkin et Seidensticker, 2011).

Enfin, les lapins ont une bonne ouïe mais leurs oreilles leur permettent aussi de réguler leur température (thermorégulation), et de ce fait elles sont plus longues dans les climats chauds.

Références :

  • Arteaga, L., Bautista, A., Martínez-Gómez, M., Nicolás, L., & Hudson, R. (2008). Scent marking, dominance and serum testosterone levels in male domestic rabbits. Physiology & Behavior, 94(3), 510515.

  • Björnhag, G. (1981). Separation and retrograde transport in the large intestine of herbivores. Livestock ProductionScience, 8(4), 351360.

  • Black, S. L., & Vanderwolf, C. H. (1969). Thumping behavior in the rabbit. Physiology & Behavior, 4(4), 445449.

  • Buseth, M. E., & Saunders, R. (2015). Behaviour, learning and communication. In M. E. Buseth & R. Saunders (Éds.), Rabbit behaviour, health and care (1ʳ éd., p. 2956). CABI.

  • Combes, S., Gidenne, T., Cauquil, L., Bouchez, O., & Fortun-Lamothe, L. (2014). Coprophagous behavior of rabbit pups affects implantation of cecal microbiota and health status. Journal of Animal Science, 92(2), 652-665.

  • Cowan, D. (1994). The European rabbit – the history and biology of a successful colonizer. Animal Welfare, 3(4), 329330.

  • Cowan, D. P. (1987). Group living in the european rabbit (Oryctolagus cuniculus) : Mutual benefit or resource localization? Journal of Animal Ecology, 56(3), 779795.

  • Cowan, D. P., & Bell, D. J. (1986). Leporid social behaviour and social organization. Mammal review, 16(3‐4), 169-179.

  • Donnelly, M,T. (1997). Basic anatomy, physiology, and husbandry rabbit. Ferrets, Rabbits, and Rodents Clinical Medicine and Surgery, 147159. https://cir.nii.ac.jp/crid/1572543024204157824

  • Gibb, J. A. (1993). Sociality, time and space in a sparse population of rabbits (Oryctolagus cuniculus). Journal of Zoology, 229(4), 581607.

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  • Kolb, H. H. (1994). The use of cover and burrows by a population of rabbits (Mammalia : Oryctolagus cuniculus) in eastern Scotland. Journal of Zoology, 233(1), 917.

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  • Peiffer, R. L., Pohm-Thorsen, L., & Corcoran, K. (1994). Chapter 19—Models in ophthalmology and vision research**supported in part by a grant from research to prevent blindness and the north carolina lions foundation. In P. J. Manning, D. H. Ringler, & C. E. Newcomer (Éds.), The Biology of the Laboratory Rabbit (Second Edition) (p.409433). Academic Press.

  • Vastrade, F. M. (1986). The social behaviour of free-ranging domestic rabbits (Oryctolagus cuniculus L.). Applied Animal Behaviour Science, 16(2), 165177.

  • Vitale, A. F. (1989). Changes in the anti-predator responses of wild rabbits, oryctolagus cuniculus (L.), with age andexperience. Behaviour, 110(14), 4761.

  • Von Holst, D., Hutzelmeyer, H., Kaetzke, P., Khaschei, M., & Schönheiter, R. (1999). Social rank, stress, fitness, andlife expectancy in wild rabbits. Naturwissenschaften, 86(8), 388393.