Des indicateurs “négatifs” du bien-être des souris ou comment détecter un mal-être

La majorité des indicateurs utilisés dans l’évaluation du “bien-être” des souris (et des animaux en général) sont des indicateurs de mal-être (c’est-à-dire de stress, de peur ou de douleur). En effet, la plupart des études évaluent le “bien-être animal” au travers de la présence ou l’absence d’indicateurs de mal-être sans prendre en compte les émotions positives ressenties par l’individu. Par exemple, en 2016, une étude a relevé 287 mesures de “bien-être” basées sur les souris dont 78% étaient liées à un état de mal-être (maladies et blessures) (Spangenberg & Keeling, 2016).

Comme chez les humains et d’autres espèces animales, les souris expriment leur douleur au travers de leurs traits faciaux (Langford et al. 2010). Ainsi, une souris exprime une douleur par un plissement des yeux, un renflement du nez et des joues, un abaissement des oreilles et un redressement des moustaches. Ces expressions sont si fiables que les chercheurs ont élaboré une échelle de score afin de déterminer l’intensité de la douleur vécue par l’individu (https://www.nc3rs.org.uk/3rs-resources/grimace-scales/grimace-scale-mouse). Notons que les souris peuvent exprimer facialement d’autres émotions négatives comme la peur, le malaise ou encore le dégoût (Defensor et al., 2012; Dolensek et al., 2020).

D’autres comportements peuvent témoigner d’un mal-être chez les individus, comme les comportements stéréotypés. Les comportements stéréotypés sont dits “abérrants” car ils sont répétitifs, invariants, et sans but ou fonction apparents (Mason, 1991).

Parmis les comportements stéréotypés relevés chez les souris on note par exemple : le mordillement de barreaux (Nevison et al., 1999), le “circling” (tourner autour de la cage ; Novak et al., 2015), le “back-flipping” (faire un “saut périlleux arrière” en partant d’un mur à celui opposé ; Novak et al., 2015) ou encore le “route tracing” (faire en boucle un chemin tracé). Différents états émotionnels sont à l’origine de l’émission des comportements stéréotypés : la frustration (c’est-à-dire ne pas pouvoir émettre un comportement pour lequel l’individu est motivé ; Mason, 1991), le stress et la peur. Ces états peuvent être provoqués par différents facteurs tels que la contrainte environnementale de la captivité et le manque de stimulations sensorielles qui y est associé (Mason, 1991). Un autre comportement anormal peut être utilisé comme un indicateur de mal-être : le comportement de barbier (Garner et al., 2004), qui consiste en l’arrachage du pelage et/ou des vibrisses de leur congénère ou de l’individu lui-même (Long, 1972). Bien que ces indicateurs soient nécessaires dans l’évaluation de l’état de bien-être des individus, ils sont insuffisants pour obtenir une appréciation complète de leur qualité de vie.

  • Defensor, E. B., Corley, M. J., Blanchard, R. J., & Blanchard, D. C. (2012). Facial expressions of mice in aggressive and fearful contexts. Physiology & Behavior, 107(5), 680–685. https://doi.org/10.1016/j.physbeh.2012.03.024
  • Dolensek, N., Gehrlach, D. A., Klein, A. S., & Gogolla, N. (2020). Facial expressions of emotion states and their neuronal correlates in mice. Science, 368(6486), 89–94. https://doi.org/10.1126/science.aaz9468
  • Garner, J. P., Weisker, S. M., Dufour, B., & Mench, J. A. (2004). Barbering (Fur and Whisker Trimming) by Laboratory Mice as a Model of Human Trichotillomania and Obsessive-Compulsive Spectrum Disorders. Comparative Medicine, 54(2), 216–224.
  • Langford, D. J., Bailey, A. L., Chanda, M. L., Clarke, S. E., Drummond, T. E., Echols, S., Glick, S., Ingrao, J., Klassen-Ross, T., LaCroix-Fralish, M. L., Matsumiya, L., Sorge, R. E., Sotocinal, S. G., Tabaka, J. M., Wong, D., van den Maagdenberg, A. M. J. M., Ferrari, M. D., Craig, K. D., & Mogil, J. S. (2010). Coding of facial expressions of pain in the laboratory mouse. Nature Methods, 7(6), 447–449. https://doi.org/10.1038/nmeth.1455
  • Long, S. Y. (1972). Hair-nibbling and whisker-trimming as indicators of social hierarchy in mice. Animal Behaviour, 20(1), 10–12. https://doi.org/10.1016/S0003-3472(72)80167-2
  • Mason, G. J. (1991). Stereotypies: a critical review. Animal Behaviour, 41(6), 1015–1037. https://doi.org/10.1016/S0003-3472(05)80640-2
  • Nevison, C. M., Hurst, J. L., & Barnard, C. J. (1999). Why do male ICR(CD-1) mice perform bar-related (stereotypic) behaviour? Behavioural Processes, 47(2), 95–111. https://doi.org/10.1016/S0376-6357(99)00053-4
  • Novak, J., Bailoo, J. D., Melotti, L., Rommen, J., & Würbel, H. (2015). An Exploration Based Cognitive Bias Test for Mice: Effects of Handling Method and Stereotypic Behaviour. PLOS ONE, 10(7), e0130718. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0130718
  • Spangenberg, E. M., & Keeling, L. J. (2016). Assessing the welfare of laboratory mice in their home environment using animal-based measures – a benchmarking tool. Laboratory Animals, 50(1), 30–38. https://doi.org/10.1177/0023677215577298