La récompense alimentaire améliore la relation humain/cheval

Les théories de l’apprentissage sont rarement mentionnées dans la formation des cavaliers et des soigneurs, et les observations scientifiques montrent une forte propension à utiliser des renforcements négatifs et des punitions, tout en accordant peu d’attention aux renforcements positifs (Hausberger et al., 2008). Un renforcement négatif est basé sur l’utilisation de stimuli désagréables pour apprendre à l’animal à adopter un comportement voulu, en faisant par exemple pression sur le cheval avec le corps du cavalier et les harnachements pour qu’il avance. De façon similaire, une punition est basée sur l’utilisation d’un stimulus aversif pour inhiber un comportement non voulu. En opposition, le renforcement positif utilise des stimuli perçus positivement par le cheval, comme de la nourriture ou des caresses, pour l’inciter à adopter un comportement désiré. D’autres données de la littérature nous indiquent que les cavaliers reconnaissent souvent mal les signes comportementaux de mal-être des chevaux et ont une confiance excessive dans leur capacité à évaluer l’état de bien-être des chevaux (Bell et al., 2019 ; Bornmann et al., 2021). Tout cela corrèle avec la forte incidence d’accidents en équitation et les nombreux problèmes de bien-être rencontrés chez les chevaux montés (Hausberger et al., 2008 ; Fureix et al., 2012).

Les humains peuvent être perçus comme un stimulus négatif, neutre ou positif par les autres animaux en fonction des interactions qu’ils ont eues avec eux. Une étude de Trösch et ses collaborateurs (2020) suggère par exemple que les chevaux peuvent attribuer une valence aux humains après avoir regardé des vidéos montrant des humains interagir de façon positive (gratouilles) ou négative (soins vétérinaires) avec un autre cheval. Il se comportent ensuite différemment avec les humains en fonction de ce qu’ils ont observé dans la vidéo.

Sankey et ses collègues (2010) ont étudié l’impact des méthodes de dressage sur la perception qu’ont les chevaux de l’humain. Deux groupes de poneys ont été entraînés à marcher à reculons en réponse à un ordre vocal en utilisant un renforcement positif (faire un pas vers l’animal et le récompenser avec des carottes) ou négatif (agiter un bâton d’équitation devant la tête du poney). Les individus entraînés avec un renforcement négatif montrent des signes de stress (fréquence cardiaque moyenne plus élevée, oreilles fréquemment couchées en arrière) et recherchent peu le contact avec les humains (que ce soit avec le dresseur ou avec une autre personne inconnue). Au contraire, les poneys entraînés avec un renforcement positif ne montrent pas d’élévation de leur rythme cardiaque, pointent leurs oreilles vers l’avant, montrent un intérêt accru pour le dresseur et cherchent activement le contact avec une personne inconnue après l’entraînement. Les effets sont durables et visibles même encore 5 mois après l’entraînement. Les individus entraînés avec la récompense ont aussi de meilleures performances d’apprentissage. Ce résultat n’est pas étonnant, nous expliquent les auteurs : le stress est connu pour altérer l’attention et les capacités d’apprentissage. Larsen et Roth (2022) concluent également que l’ajout d’une quantité faible mais régulière d’entraînement par renforcement positif pour des chevaux qui sont déjà entraînés par renforcement négatif les rend plus intéressés par le contact avec les humains. Mais cette faible dose de renforcement positif n’est pas suffisante pour améliorer leur état émotionnel ou les niveaux de stress à long terme. Finalement, les auteurs suggèrent que le renforcement positif pourrait augmenter la curiosité et diminuer la crainte de l’humain.

Un argument utilisé contre l’utilisation des récompenses alimentaires est que le cheval ne voudra plus obéir ou qu’il deviendra agressif sans recours à ces pratiques. Or, de nombreux animaux préfèrent résoudre des problèmes pour accéder à de la nourriture, plutôt que d’accéder simplement à de la nourriture “gratuitement” (Rosenberger et al., 2020). Une des explications à ce comportement est que les animaux ont besoin de défis cognitifs pour exprimer leur contrôle sur leur environnement.

Pour conclure, la formation basée sur la récompense laisse un souvenir positif durable du dresseur, que les chevaux généralisent aux autres humains, et elle améliore la motivation et l’apprentissage du cheval.

Rédaction : Delphine Debieu, vulgarisatrice scientifique sur Instagram sur @ethologuedesdinos.

Relecture et corrections : Rachel Degrande, docteure en éthologie cognitive.

Sources :

Bell, C., Rogers, S., Taylor, J., & Busby, D. (2019). Improving the Recognition of Equine Affective States. Animals, 9(12), Art. 12. https://doi.org/10.3390/ani9121124

  • Bornmann, T., Randle, H., & Williams, J. (2021). Investigating Equestrians’ Perceptions of Horse Happiness : An Exploratory Study. Journal of Equine Veterinary Science, 104, 103697. https://doi.org/10.1016/j.jevs.2021.103697
  • Fureix, C., Jego, P., Henry, S., Lansade, L., & Hausberger, M. (2012). Towards an ethological animal model of depression? A study on horses. PloS One, 7(6), e39280. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0039280
  • Hausberger, M., Roche, H., Henry, S., & Visser, E. K. (2008). A review of the human–horse relationship. Applied Animal Behaviour Science, 109(1), 1‑24. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2007.04.015
  • Larssen, R., & Roth, L. S. V. (2022). Regular positive reinforcement training increases contact-seeking behaviour in horses. Applied Animal Behaviour Science, 252, 105651. https://doi.org/10.1016/j.applanim.2022.105651
  • Rosenberger, K., Simmler, M., Nawroth, C., Langbein, J., & Keil, N. (2020). Goats work for food in a contrafreeloading task. Scientific Reports, 10(1), Art. 1. https://doi.org/10.1038/s41598-020-78931-w
  • Sankey, C., Richard-Yris, M.-A., Henry, S., Fureix, C., Nassur, F., & Hausberger, M. (2010). Reinforcement as a mediator of the perception of humans by horses (Equus caballus). Animal Cognition, 13(5), 753‑764. https://doi.org/10.1007/s10071-010-0326-9
  • Trösch, M., Pellon, S., Cuzol, F., Parias, C., Nowak, R., Calandreau, L., & Lansade, L. (2020). Horses feel emotions when they watch positive and negative horse–human interactions in a video and transpose what they saw to real life. Animal Cognition, 23(4), 643‑653. https://doi.org/10.1007/s10071-020-01369-0